Le trou de la Sécu est –il une invention ?

dimanche 6 septembre 2015
par  Martine Lalande
popularité : 5%

Le « trou » de la sécurité sociale, ou déficit, dont nous parlent tous les ministres depuis plusieurs décennies, qui nous culpabilise et nous inquiète, est-il une réalité ?

Un déficit est un écart entre des recettes et des dépenses. C’est le cas de la sécurité sociale depuis les années 2000. Mais combien doit-on dépenser dans une société pour la santé et la protection de ses citoyens ? et pourquoi ne trouve-t-on pas les recettes nécessaires si c’est justifié ?

Quand on parle de sécurité Sociale, on pense à l’Assurance Maladie, donc au système de prise en charge des dépenses de santé. En France, les dépenses de santé représentent 11.6% du Produit intérieur brut (PIB)en 2013. C’est moins que dans des pays (16.9% aux Etats-unis) où la santé est moins bonne qu’en France, et plus que dans d’autres pays (9.4% en Espagne et 9.3% au Royaume-Uni) où elle est de même qualité qu’en France.

La Sécurité sociale gère aussi les accidents de travail et les maladies professionnelles, dont le bilan est excédentaire. Elle gère aussi la Caisse nationale d’assurance vieillesse, responsable des retraites, dont les dépenses correspondent à 13.9% du PIB et qui est déficitaire depuis 2005. Et la Caisse nationale d’allocations familiales, déficitaire depuis 2004.

Le déficit ne concerne donc pas seulement les dépenses de maladie, il persiste depuis plus de 10 ans et est pris en charge par la Caisse d’amortissement de la dette sociale. Dette qui s’accroit et qu’il va falloir payer un jour ou l’autre (par nos enfants ?)

Questions :

  • Pourquoi l’Etat ne compense-t-il pas le déficit de la sécurité sociale, puisque l’on considère que c’est un système de protection sociale indispensable dans les différents domaines de la vie des citoyens (maladie, retraite, accidents et difficultés sociales) ?
  • Est-ce le système de financement qui ne suffit pas, ou son mode de contribution qui n’est plus adapté (en majorité cotisations sur le travail) ? est-ce le résultat de la crise économique ?
  • Où les dépenses de soins sont-elles excessives ? est-ce que l’on consomme trop de médicaments, de médecins, d’hôpital… ? est-ce utile pour l’état de santé de la population ? pourtant, on sait que c’est insuffisant pour réduire les inégalités de santé…
  • Le trou de la sécu est-il une arme pour obliger les citoyens à consommer moins tout en laissant les industries de santé toujours vendre plus ?

Comme l’écrivait Pierre Volovitch en 2005 : « Le déficit est sans doute la plus mauvaise entrée possible. (-) Mettre en avant des préoccupations ce déficit, par nature complexe, c’est prioriser la question du combien ça coûte ? avant les questions aussi importantes de à quoi ça sert ? et comment ça fonctionne ? »


Articles :

Pratiques 31 octobre 2005 page 67 Volovitch : « le déficit vous dis-je ! »

Rapport du Ministère de la santé et des affaires publics : Les chiffres clés de la Sécurité sociale 2014http://www.securite-sociale.fr/IMG/pdf/chiffres_cles_2014-2.pdf

Alternatives économiques 261 septembre 2007 Philippe Frémeaux « la sécu au fond du trou » http://www.alternatives-economiques.fr/la-secu-au-fond-du-trou_fr_art_473_31472.html

Alternatives économiques 345 avril 2015 p51 dossier Santé : des maux et des remèdes

Guillaume Sarlat, « Dépenses et recettes de l’assurance maladie, mythes et réalités », Les Tribunes de la santé 2004/3 (no 4), p. 51-69. http://www.cairn.info/revue-les-tribunes-de-la-sante-2004-3-page-51.htm


Commentaires

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samedi 19 septembre 2015 à 06h40 - par  Lucien Farhi

Petite synthèse à ma façon :

D’un côté, 13 Md EUR de déficit.

En face :

· 20 Md EUR de fraude aux prélèvements sociaux

· 20 Md EUR d’exonérations de cotisations

· 2 Md EUR de fraude aux prestations

· 10 Md EUR de surcoût des médicaments

Le compte est vite fait, ou l’art et la manière de fabriquer un déficit...

Je sais, je sais, c’est une présentation caricaturale, mais je signe et persiste :

· La fraude aux prélèvements n’est certes pas récupérable intégralement, car sans cette fraude certaines activités concernées ne pourraient subsister. Mais on pourrait alors se demander pourquoi notre politique de formation professionnelle échoue au point de devoir se contenter d’offrir des emplois si peu qualifiés qu’il faille les exonérer de cotisations sociales pour leur permettre de soi-disant faire face à la concurrence internationale ?

· Même remarque pour les exonérations. De plus, si elles étaient vraiment efficaces, pourquoi le chômage des non qualifiés persiste-t-il au même niveau, malgré l’importance de cette aubaine ?

· Quant à la fraude aux prestations qui nourrit tous les fantasmes, de la contrefaçon des cartes vitales aux arrêts de travail indus, indépendamment du caractère discutable de nombre de ces allégations, on voit clairement ce que représentent leurs ordres de grandeur par rapport à ceux des autres catégories.

· Cerise sur le gâteau et pas la moindre : les surcoûts de l’industrie du médicament : là, on touche carrément à la corruption qui semble gangrener les plus hautes sphères de l’Administration, pour ne pas parler de l’Etat.

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mardi 15 septembre 2015 à 16h05 - par  Martin Coutellier

J’ai l’impression qu’on est assez d’accord, donc je ne voudrais pas avoir l’air de polémiquer inutilement. Néanmoins je voudrais préciser : je n’ai rien à redire à l’économétrie en tant que pratique ; je pense seulement qu’il faut se méfier de l’approche spontanément économétrique que la vision dominante de l’économie nous donne des questions économiques.
Et l’exemple de Lucien en est une parfaite illustration : on attend des exonérations de cotisations sociales qu’elles permettent aux patrons d’embaucher ; et constatant qu’ils ne le font pas, on attribue à un "effet d’aubaine" l’utilisation de cet argent pour l’augmentation des dividendes ou autres investissements plus ou moins spéculatifs. Mais cette analyse repose largement sur une vision micro-économique (à tendance économétrique ...) du patron qui doit s’arranger avec ses dépenses et ses recettes en fonction de ses intérêts (limités comme l’explique Lucien, dans les premiers modèles des années 60, à un gain pécuniaire, et éventuellement élargi à d’autres données intégrables dans les derniers modèles : les externalités, les contrats ... voire les aspirations électorales locales d’un patron, si tel est le sujet du jour !). Tout cela occulte magnifiquement le fait que non, les entreprises et leurs patrons ne créent pas l’emploi (http://blog.mondediplo.net/2014-02-26-Les-entreprises-ne-creent-pas-l-emploi), mais "ne font que convertir en emplois les demandes de bien et de services qui leur sont adressées" du dehors. Et c’est coup de force majeur de la doctrine néolibérale que d’avoir réussi à diffuser aussi largement l’idée qu’il fallait se plier aux exigences des entreprises pour espérer résorber (ou stabiliser ...) le chômage.
En résumé : comme l’ail et les peintures de Malevitch, l’économétrie est loin d’être dénuée d’intérêt, mais ce n’est sûrement pas très bon d’en mettre partout.
Désolé c’est encore trop long.

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mardi 15 septembre 2015 à 11h05 - par  Lucien Farhi

Sur le plan des principes, je n’ai pas de réticences à partager l’analyse de Martin.

Sur celui de la pratique, je serais plus nuancé.

1. Il faut prendre garde à ne pas sous-estimer l’adversaire dans sa capacité formidable à intégrer les critiques qui lui sont faites pour en émerger plus fort encore. Le discours néo-classique sur les bienfaits de la concurrence n’est plus, par exemple, servi qu’aux gogos. Il y a belle lurette que le système use et théorise des monopoles. De même qu’il sait depuis longtemps nuancer et complexifier ses fonctions de maximisation ¬ voir, à titre d’illustration, les réflexions des prix Nobel d’économie sur l’intégration dans le calcul du PIB des « déséconomies externes » ¬ i.e. les nuisances collatérales de la croissance. Même la Banque mondiale s’y est mise, qui introduit aujourd’hui ces nuisances comme critères de jugement, au moment d’évaluer les projets de développement.

2. Je suis d’accord avec l’opinion de Martin selon laquelle les modèles mathématiques utilisés en économétrie ne servent le plus souvent qu’à confirmer les hypothèses qu’on y a introduites. Mais, là aussi, rares sont ceux qui nourrissent à ce sujet les illusions en cours dans les années 60. L’intérêt de ces constructions ne réside plus que dans leurs vertus pédagogiques (l’identification des contraintes économiques, sociologiques et autres, qui pèsent sur nos choix) ainsi que dans l’étude de variantes opposées de contraintes ou décision données. Ce qui revient à s’intéresser à ces fameuses hypothèses, trop souvent occultées, évoquées également par Martin. Le meilleur exemple, dans le cas qui nous occupe est celui de l’efficacité des exonérations de cotisations sociales. Elles sont basées implicitement sur le comportement de maximisation de leurs revenus par les entrepreneurs qui en sont les bénéficiaires. Mais que se passet-il si, au lieu de créer ¬ ou préserver ¬ des emplois, lesdits bénéficiaires s’en servaient pour distribuer des dividendes ou financer leurs achats immobiliers ? Cela s’appellerait un « effet d’aubaine »… et voilà comment réapparaît le trou de la Sécu. Le modèle économétrique, ici, sert à deux choses : d’abord lister et identifier de la manière la plus méthodique possible les principales hypothèses ; ensuite, étudier ce qui se passe quand on les fait varier. C’est, à mon sens, tout ce que l’on peut lui demander.
3. A mon sens, ce que fait le mieux ressortir notre échange, c’est l’occasion manquée du débat démocratique. L’intérêt de faire discuter entre eux quelques techniciens triés sur le volet à propos du niveau convenable des dépenses de santé est nul. C’est pourtant ce qui se passe, au sein des Ministères. Je n’ai pas entendu dire, en revanche, que des forums citoyens locaux, puis à plus large spectre, aient jamais été conduits pour décider de la validité des hypothèses à la base des décisions.

Voilà ce que je voulais dire à propos de l’économétrie, soit, en bref, qu’elle ne méritait ni cet honneur, ni cette indignité !!!

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mardi 15 septembre 2015 à 10h59 - par  Martin

Je réponds ici à Lucien, en espérant ne pas trop encombrer les boîtes mail ... Je résume un peu la réflexion, en vous faisant cette fois grâce des sources, mais je peux les récupérer et les transmettre sur simple demande.

Comme toutes les sciences, l’économie a toujours été traversée par divers courants de pensée, dont le rapport de force à un certain instant peut être une certaine définition de la discipline à cet instant. C’est ainsi que certains principes anciens (la théorie dite classique), établis au XIXème siècle par David Ricardo, ou par Léon Walras en France, se peu à peu devenus constitutifs (moyennant certaines mises à jour) d’une "science économique" qui se veut l’alpha et l’oméga de l’économie (et se présente, voire s’impose comme tel). Des salles de marché aux ministères, en passant par l’université et les médias, c’est cette théorie néo-classique qui est archi-dominante. La vision qui nous est transmise des problèmes économique est donc toute empreinte des présupposés de cette théorie (qui sont bien souvent inconscients chez ses praticiens). Or cette théorie a une forte inclinaison économétrique, puisqu’elle fonctionne principalement en cherchant à modéliser
les comportements ; en postulant la rationalité anticipatrice des agents, elle prétend (parfois sans le savoir) que nos décisions sont informées, rationnelles et fondées sur la maximisation des bénéfices ; pour faire simple, que nous sommes de petites calculettes ambulantes. Le tout élevé au rang de "science dure" par l’utilisation de modèles mathématiques complexes, qui ont en général le bon goût de confirmer les hypothèses de départ ... qu’on a incluses dans le modèle !

Quel rapport avec nous ? Il me semble que cette vision de la chose économique comme une affaire de gestionnaire, de raison froide et d’analyse pure, visant à équilibrer la colonne "recettes" et la colonne "dépenses" a largement pénétré la société, et en particulier la classe moyenne que nous sommes. Cet "angle économiciste" déshistorise et dépolitise l’analyse, et tend à nous enfermer dans une pure logique comptable, où l’on perd de vue l’objet même de ce qu’on cherche à construire (les principes, l’histoire, les rapports de force en présence, etc.). Je reviens donc à ce que j’écrivais hier (certes un peu rapidement) : je vois bien que la caricature de débat économique que je dépeins n’a rien à voir avec ce qui s’échange ici (et du coup je suis un peu désolé d’en faire des tartines à ce sujet ...), mais c’est une pente très encouragée par l’ambiance actuelle des discussion économiques, et je suis content que nous y prenions garde.

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mercredi 9 septembre 2015 à 14h40 - par  Lucien Farhi

Peut-être pourrais-je résumer les interrogations de Martine à propos de ce « trou » de la Sécu en une question essentielle : le trou de la Sécu est-il une invention commode pour brider les dépenses de santé ?

On sait, en effet, que ces dépenses sont amenées inéluctablement à croître, en raison notamment, de deux facteurs : le vieillissement de la population et le progrès technique de la médecine. Mais la question du « trou » ne se poserait pas avec une telle acuité si les recettes suivaient une tendance parallèle à celle des dépenses.

Le phénomène nouveau est que ce n’est pas (ou plus) le cas, depuis le début des années 2000. C’est justement pour faire face à l’insuffisance des recettes générées par les cotisations sociales que le financement par l’impôt a pris l’extension qu’on lui connaît (CSG/CRDS, notamment), dès les années 90, pour atteindre le seuil de 40% des recettes sociales. Mais ce qu’il y a de fondamentalement nouveau, c’est l’option délibérée de raréfier la ressource provenant des cotisations sociales à coups d’exonérations – chiffrées aujourd’hui à 20 Md € –, dans le but proclamé d’abaisser le coût du travail des bas salaires. Ces exonérations sont naturellement compensées par l’affectation au financement des comptes sociaux de nouvelles ressources fiscales, mais de manière à toujours laisser subsister un écart entre dépenses sociales et recettes globales, se montant aujourd’hui à quelques 11 Mds d’€.

En conclusion, oui, on peut dire que le « trou » de la Sécu est une création artificielle, trouvant sa justification dans des buts de défense de l’emploi, buts légitimes, certes, mais qui omettent les dégâts collatéraux en résultant sur les comptes sociaux. Ayant ainsi durablement affaibli la ressource, la voie est dégagée à une pression croissante à la baisse sur le second terme de l’équation : les dépenses sociales.

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lundi 7 septembre 2015 à 10h40 - par  Martin

Bonjour,

Merci pour la réflexion ambitieuse que vous lancez ici.

Sur ce sujet complexe et nourri de nombreuses représentations difficiles à contrôler, je pense qu’il est utile de se poser la question des catégories que nous mobilisons. En particulier il me semble que certaines de ces questions, par leur formulation, nous empêchent de réfléchir à certains aspects du problème.

Par exemple, en posant la question "Est-ce le système de financement qui ne suffit pas, ou son mode de contribution qui n’est plus adaptés (en majorité cotisations sur le travail) ? est-ce le résultat de la crise économique ?" on se prive d’une partie d’explication qui me paraît très importante.

Comme le signalent François Ruffin dans le diplo (https://www.monde-diplomatique.fr/2008/01/RUFFIN/15507#nb3), ou Michel Husson dans ce document (http://hussonet.free.fr/parvabis.pdf), la configuration financière du capitalisme que nous connaissons depuis une quarantaine d’années repose sur des institutions très défavorables aux travailleurs, notamment avec le chômage de masse qui pèse fortement sur le mécanisme de formation des salaires. Le résultat est tout à fait frappant (en constamment occulté comme le dit Ruffin) : la part des salaires dans le PIB a baissé spectaculairement (presque 10% entre 1983 et 2006) ; or cette part salariale est l’assiette sur laquelle les cotisations salariales son prélevées (dixit Lapalisse).
A côté des alternatives d’un système de financement insuffisant, inadapté ou mis à mal par la (dernière) crise économique, je pense qu’il faut donc considérer l’impact d’une modification des structures sociales économiques sur un système préalablement "suffisant"et "adapté". Et il faut également considérer cette modification des structures pour ce qu’elle est : le fruit de décisions politiques conscientes (et non pas le déroulé inéluctable de l’Histoire).
On m’objectera que cet impact montre précisément que le financement par cotisation sur les salaires, n’étant plus adapté aux nouvelles structures économiques, est devenu insuffisant. Mais cette façon d’envisager le problème fait du financement par cotisations la variable d’ajustement, à adapter à des structures socio-économiques invariantes (voire favorisant de plus en plus le capital au détriment du travail). Je pense qu’on peut voir tout cela autrement : la cotisation salariale est un levier d’émancipation comme l’explique Bernard Friot (https://www.monde-diplomatique.fr/2012/02/FRIOT/47384), et ce sont donc nos institutions (en particulier économiques) qui mériteraient d’être transformées. A cette argument de la valeur intrinsèque de la cotisation (qui vaut également pour les retraites), s’ajoute celui de l’inanité des structures socio-économiques actuelles, qui font systématiquement prévaloir les systèmes par capitalisation, inefficaces comme le montre le cas américains, et pour le coup très sensibles aux crises économiques (l’argent prélevé est dans le bilan des banques et autres hedge funds qui le jouent en permanence sur les marchés financiers ...). Tout cela pour ne même pas parler de ce qu’on appelle la casse sociale, qui garnit nos cabinent de patients abîmés (voire détruits) par leur travail.

Je pense que nous avons intérêt à replacer le problème du trou de la sécu dans un contexte plus large, en sortant d’une vision purement économétrique, pour poser nos questions un peu différemment : quelles évolutions sociales et économiques ont causé l’apparition du trou de la sécu (phénomène tout à fait récent dans l’histoire de cette institution) ? Est-il souhaitable de chercher à s’adapter à cette évolution ? Quelles alternatives ?

Désolé c’est un peu long.

Bien à vous,
Martin

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