A quoi sert le secret médical ?- Cordel N°74
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Le secret est la base de la relation médicale
La relation entre patient et médecin n’est pas symétrique. D’un côté, il y a une personne qui souffre, demande de l’aide, espère des soins et de l’autre, une personne qui a un savoir et une pratique qui peut atténuer ou supprimer cette souffrance. La personne souffrante confie en quelque sorte sa vie. Le ou la médecin doit mettre en œuvre le savoir médical disponible et respecter le secret médical. Depuis l’Antiquité, avec le serment d’Hippocrate, chaque médecin est tenu au secret absolu sur les informations médicales et personnelles qu’il ou elle connaît sur son ou sa patiente. Ce secret concerne tous les professionnel.les de santé. Si l’on constate qu’il n’a pas été respecté, on peut porter plainte contre l’auteur.e de la divulgation qui risque alors un an de prison et 15000 euros d’amende. C’est une question de respect de la vie privée et de confiance entre la personne et ses soignant.es. Si ce que mon médecin a appris sur ma vie est répété sur la place publique, à des proches ou des connaissances, je n’oserai plus me confier ni révéler des informations intimes et délicates qui pourraient pourtant être indispensables pour l’établissement du bon diagnostic et le choix de soins adaptés. Le ou la médecin traitant.e ou référent.e est une personne privilégiée à laquelle on a envie de se confier. Le secret médical donne la liberté de tout dire (ou non) avec la certitude que les paroles échangées ne sortiront pas de ce cadre.
Pas de secret pour le ou la patient.e : ses informations lui appartiennent
Le secret a pu être utilisé par des médecins pour ne pas dire à leur malade ce qu’ils ou elles savaient sur lui ou cacher des erreurs médicales. Certain.es médecins « paternalistes » peuvent invoquer à tort le secret pour ne pas tout dire au patient ou à la patiente sous prétexte qu’ils/elles savent ce qui est bien pour lui ou elle. Comme ne pas annoncer un cancer, la personne s’en rendant compte au moment de la chimiothérapie, ou ne pas dire à quelqu’un qui a eu des problèmes avec l’alcool que certain.es réussissent à boire un peu, ou encore interdire aux gens de regarder les notices des médicaments ou nier leurs effets indésirables... La « loi Kouchner » du 4 mars 2002 sur les droits des patient.es affirme que l’information médicale appartient à la personne. On peut donc demander son dossier médical en ville ou à l’hôpital, et personne ne peut s’y opposer. Cette loi prévoit aussi un droit à l’information pour l’entourage du ou de la patient.e si elle ou il ne peut plus communiquer, et pour sa famille après sa mort sauf si elle ou il s’y est opposé.e de son vivant. Le secret est garanti aussi pour les personnes mineures.
Le secret partagé est-il encore un secret ?
Avec le développement des maisons ou centres de santé, des réseaux de soins, avec la multiplication des intervenant.es auprès de la personne, avec le recours à des examens et à des spécialistes, le partage des informations se développe aux dépens du secret. La « loi Touraine » de 2016 définit ce partage. « Toute personne prise en charge par un professionnel de santé, un établissement ou un service de santé(-), un établissement ou service social ou médicosocial(-) a droit au respect de sa vie privée et du secret des informations le concernant ». La même loi prévoit la mise en place du DMP, tantôt Dossier Médical Personnel et tantôt Dossier Médical Partagé. On réaffirme le droit au secret pour permettre de le partager… Les informations ne doivent être partagées entre les professionnel.les qui s’occupent du/de la patient.e, que dans l’intérêt du diagnostic, du traitement et de l’accompagnement, et avec son accord. Mais ce n’est pas évident lorsque la communication entre les professionnel.les qui s’occupent de vous se fait de façon automatique, par dossier informatique, par mail ou par télétransmission. Peut-on s’y opposer et comment limiter ce partage à ce qui semble raisonnable pour garder le maximum d’intimité tout en bénéficiant de la meilleure prise en charge ?
Et du côté des soignant.es, comment préserver le secret ?
Le secret est la garantie de la confiance dans la relation entre médecin et patient. Le travail en groupe nécessite d’informer les patient.es, dès le début et à chaque démarche, du partage possible des informations avec d’autres personnes et de leur demander leur accord. On a le droit de refuser ce partage et de souhaiter que certaines informations restent orales ou soient notées dans un espace confidentiel. Des informations sont intéressantes à transmettre à d’autres médecins ou intervenant.es, mais elles doivent être limitées à ce qui est utile pour la prise en charge. Le dentiste n’a pas besoin de connaître tous vos problèmes médicaux, par contre il faut lui dire si vous prenez des anticoagulants. La prise de stupéfiants n’a pas besoin d’être connue de tous et toutes les intervenant.es. Le secret médical doit être gardé par le ou la médecin, même si la personne lui demande de le lever, vis-à-vis des avocats, des assurances, des employeur.ses, de la justice. La personne peut dire ce qu’elle veut, le ou la médecin n’a pas le droit de dire ce qu’on lui a dit. Toute lettre à un.e autre intervenant.e ou certificat doit être écrit avec l’accord de la personne sur les informations données et les termes employés, devant elle et donné en mains propres. Les informations échangées par mail doivent être réduites à l’essentiel et cryptées. Pour les professionnel.les, le secret de ce qui a été confié peut être lourd à porter ; il est intéressant d’en parler de façon anonyme en groupe de pair.es ou en supervision (groupe Balint ou autre). Le secret "partagé" dans le cadre de la coordination des soins ne peut pas servir de moyen pour décharger le trop émotionnel des professionnel.les.
Le secret médical est un pivot dans la pratique du soin. Il garantit un échange et un accompagnement basés sur la confiance et le respect de la vie privée, plutôt qu’une médecine technique de services morcelés où la souffrance risque de ne plus pouvoir se dire.
Comment le COVID met en danger le secret médical Les lois d’urgence sanitaires mises en place à l’occasion de l’épidémie de COVID-19 ont institué des dérogations au secret comme cela n’avait jamais été fait pour la surveillance de maladies épidémiques. Par exemple, l’épidémie de sida a été gérée sans atteinte au secret médical, les déclarations se faisant de façon anonyme et les proches ne pouvant être informé.es sans l’accord de la personne contaminée. Tout test COVID positif est directement et nominalement enregistré par le laboratoire, sans possibilité de le faire de façon anonyme. De plus, les personnes contaminées sont encouragées à donner les coordonnées des personnes avec qui elles ont été en contact sans leur avoir demandé leur accord. Et les médecins sont censé.es déclarer les noms et coordonnées de toutes ces personnes à l’Assurance maladie, sans avoir le temps de leur demander leur consentement. Le même système d’enregistrement obligatoire automatique et nominal est utilisé au moment de la vaccination, et imposé pour obtenir un certificat. Certain.es soignant.es résistent au fichage généralisé de la population que cela met en place. Ils et elles "évitent" de renseigner les fichiers, en faisant par exemple des certificats à la main. Mais ils et elles restent discrèt.es pour ne pas être sanctionné.es. |
Les dérogations au secret médical
On peut transmettre des informations nominatives sans l’accord de la personne en cas de : déclaration de décès, de naissance, de certaines maladies contagieuses (déclarées au médecin de l’Agence régionale de santé puis anonymisées), certificat d’hospitalisation en psychiatrie à la demande d’un tiers, maladie professionnelle et accident de travail. Mais aussi en cas de maltraitance ou privation de soins pour un.e mineur.e ou une personne vulnérable, dangerosité pour la personne elle-même ou pour autrui, détention d’arme avec intention de s’en servir ou crime en préparation. Dans ces cas, un signalement est fait auprès du ou de la procureur.e de la République. Si la personne est majeure, elle doit en être informée.
Depuis juillet 2020, un.e soignant.e peut signaler une femme victime de violences conjugales, si cette femme est en danger et ne peut porter plainte en raison d’une situation d’emprise, en l’en informant et en s’assurant qu’elle puisse être mise à l’abri. |
Secret vis-à-vis de la médecine du travail
Aucune information médicale ne peut être transmise à la médecine du travail sans l’accord du ou de la patient.e et seulement en cas de nécessité (mise en danger sur le lieu du travail ou effet du travail sur la santé). On a le droit de ne pas déclarer des problèmes de santé au moment de l’embauche ou des examens en médecine du travail. Le/la médecin du travail et le personnel des services médicaux au travail sont tenus au secret vis-à-vis de l’employeur.se.
« Si tu révèles ton secret au vent, tu ne dois pas lui reprocher de le révéler à l’arbre ». Khalil Gibran Le Sable et l’écume : aphorismes, Albin Michel,1990. « Gardien du seuil : tel est bien le nom du secret médical ». Anne Lécu Le Secret médical, vie et mort, Cerf, 2016. « Pouvoir, savoir et sacré, ces trois instances qui veillaient autrefois réunies au chevet tranquille des familles, des sociétés et des Etats sont sorties de l’antre d’Eole ; elles multiplient l’une par l’autre leurs facultés de faire du secret et leur impossibilité à le maîtriser ». Pierre Nora Simmel, le mot de passe, dans Du secret Nouvelle revue de psychanalyse, n°14, 1976, Gallimard. « Violer le secret, c’est prendre le risque de provoquer des morts ». Bruno Py Secret professionnel, que n’avons-nous pas retenu de l’expérience du sida ? www.dalloz-actualite.fr |
Cordel écrit par le Collectif Outils du soin, partage de savoirs en accès libre. Mai 2021
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