Les enfants qui dérangent, hyperactifs ou turbulents ? - Cordel N°66

samedi 30 novembre 2019
par  Outils du soin
popularité : 6%

Une situation critique
Il y a des enfants qui épuisent tout le monde, les parents, les enseignant.es, les camarades, l’entourage, qui ne tiennent pas en place, sont agités, n’écoutent rien, et même deviennent « des terreurs », des enfants agressifs, et transforment tous les espaces en champs en bataille.

Trouver une ouverture
Bien sûr, souvent, des essais d’ouverture ont déjà été tentés par la famille comme un séjour à la campagne chez les grands-parents, l’inscription à une activité sportive (foot, équitation…), culturelle (théâtre..), artistique (dessin, poterie…). Quand ça n’a pas marché, un rendez-vous peut être pris avec un.e médecin ou un.e psy. Ce qu’on peut espérer, c’est que ces professionnel.les évalueront la situation dans son ensemble pour proposer des ouvertures. Cela sans céder à la facilité de poser des étiquettes trop rapidement devant les différents tableaux : les troubles psychiatriques graves qui justifieraient un suivi spécialisé en institution, ou le diagnostic actuellement très en vogue de TDHA (trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité), alors qu’il pourrait s’agir tout simplement d’enfants curieux, dynamiques qui cherchent à sortir de l’ennui.
Comment alors, ensemble avec la famille trouver un équilibre plus satisfaisant et sortir des impasses ?

Un traitement médicamenteux contesté
L’industrie pharmaceutique ne peut que se réjouir de ce nouveau marché du « diagnostic » de TDHA. La Ritaline°(méthylphénidate) est un médicament couramment prescrit aux enfants « hyperactifs », C’est une amphétamine. Elle agit contre l’hyperactivité et pas sur les troubles de l’attention. C’est un médicament qui n’est pas sans danger et qui doit être prescrit au départ par un spécialiste hospitalier.
Parfois cela peut aider à calmer le jeu pendant un temps, à rassurer tout le monde, à soulager un.e enfant en souffrance devant ses symptômes, à casser un engrenage de découragement.
Mais ce n’est pas un remède miracle, il ne marche pas toujours, il ne marche pas mieux qu’un week-end à la campagne, et surtout il ne marche que s’il ya des modifications dans l’organisation de la vie de l’enfant.

D’autres approches, d’autres pistes pour les familles
Mais à côté de cette vogue de prescription de Ritaline°, d’autres approches semblent nécessaires qui laissent la place à la parole de chacun.e, prise en compte globale de la situation, psychothérapie individuelle, thérapie familiale pour dénouer des interactions douloureuses, thérapie de groupe, recours à des associations de parents (par exemple REAAP : réseau d’écoute et appui d’accompagnement de parents…)
- du côté du quotidien, les parents peuvent tirer profit de conseils pratiques de bon sens : partager plus de temps avec l’enfant, faire la cuisine ensemble, du bricolage, partager des activités, aller à la piscine, à la bibliothèque, le ou la protéger d’une pratique solitaire des écrans, voir avec lui ou elle ce qui l’intéresse dans les jeux vidéos, être plus attentionné.e dans la façon de s’adresser à l’enfant( le/la regarder dans les yeux, lui donner les consignes une par une..)
- du côté des aides qui peuvent être mises en place par la MDPH (Maison Départementale des Personnes Handicapées), certain.es enfants peuvent bénéficier d’aides AVS, (assistants de Vie Scolaire), tiers temps scolaire, assistance par ordinateur. Cela nécessite de poser un diagnostic sans en méconnaitre les risques.
Poser un diagnostic de TDAH risque certes de figer une situation, de stigmatiser l’enfant, mais il est vrai qu’il peut permettre la mise en œuvre d’aides spécifiques (AVS..) qui se révèlent souvent très profitables.

Des questions pour la société
On peut se demander si cette épidémie d’étiquettes d’ « hyperactivité » chez les enfants n’est pas un produit d’une société qui demandent aux adultes d’être toujours plus performant.es et réactifs/réactives.
Par ailleurs, tou.tes les professionnel.les ne sont pas d’accord devant ces tableaux de « trop grande activité » chez certain.es enfants. Si certain.es pensent que c’est une maladie très spécifique, beaucoup de chercheur.ses pensent à plusieurs facteurs. On évoque toutes sortes de causes plus ou moins associées selon les cas ; l’hérédité, l’impact de produits chimiques pendant la grossesse ou l’enfance ( pesticides …), le rôle de l’alimentation, le manque d’activité physique et de détente dans le corps, les méthodes scolaires trop statiques…. Il y a aussi la question des interactions dans la famille et du poids des traumatismes des adultes qui jouent sur leur façon de réagir avec les enfants.

Comment nous, adultes, pouvons-nous aider ou entraîner nos enfants à réussir à mieux ne pas se laisser submerger par leurs émotions, leur stress, leur ennui… ?

Les enfants turbulents dans la littérature enfantine

« Un autre jour, Sophie pensa qu’il fallait lui friser les cheveux ;
elle lui mit donc des papillotes : elle les passa au fer chaud,
pour que les cheveux fussent mieux frisés. Quand elle lui ôta
ses papillotes, les cheveux restèrent dedans ; le fer était trop
chaud, Sophie avait brûlé les cheveux de sa poupée, qui était
chauve. Sophie pleura, mais la poupée resta chauve... »
Les malheurs de Sophie, la comtesse de Ségur

« Je n’aurai jamais assez de fermeté pour élever
comme il faut deux fillettes aussi turbulentes »
Les contes rouges du chat perché, Marcel Aymé

« Tu as dit que je n’étais pas méchant mais seulement turbulent.
Tu as parlé de chevaux échappés, je crois... »
Tom Sawyer, Marc Twain

« Zazie, déclare Gabriel en prenant un air majestueux trouvé
sans peine dans son répertoire, si ça te plait de voir vraiment
les Invalides et le tombeau véritable du vrai Napoléon, je t’y
conduirai.
- Napoléon mon cul, répliqua Zazie. Il ne m’intéresse pas du tout
cet enflé , avec son chapeau à la con.
- Qu’est-ce qui t’intéresse alors ? Zazie ne répond pas.
- Oui, dit Charles avec une gentillesse inattendue, qu’est-ce qui
t’intéresse ?
- Le métro. »
Zazie dans le métro, R.Queneau

Comment c’était avant ?
La situation des enfants était très contrastée. L’enfant pouvait jouer au grand air, avait des espaces de liberté, mais il pouvait aussi être exploité à travailler dans les champs et à l’usine. Quand il venait au monde, il arrivait parfois sans être « désiré », donc il était moins idéalisé. La mortalité infantile était importante. On ne parlait pas d’enfants « hyperactifs », on envoyait les enfants turbulents jouer dehors
Dans le dictionnaire « Trésor de la langue française », la personne turbulente st celle « qui manque de calme et de modération, qui manifeste une agitation bruyante et incessante (souvent au détriment d’autrui) »

Le poids des mots
Autrefois, des expressions pouvaient être dites aux enfants, « mais tu as le diable au corps à bouger tout le temps », « regarde ta sœur, elle est plus sage » « Tu nous causes du souci, tu es trop turbulent » « tu es aussi pénible que ton père (ou que ta mère..) » ; Sans s’en rendre compte, les adultes peuvent avoir des paroles malheureuses qui enferment.

Krishna, un dieu très turbulent
Il y a bien longtemps, dans la forêt de Mathurâ en Inde, un jeune garçon
et son frère ainé causaient des troubles. Ils chapardaient dans les maisons
beurre, lait et gâteaux de riz dont ils étaient très friands allant même jusqu’à
briser les pots de terre contenant ces friandises qu’ils partageaient avec les
autres enfants. Ils ouvraient aussi les enclos des veaux qui allaient aussitôt
rejoindre les vaches….
L’aîné des deux garnements s’appelait Samkarsana et l’autre Krishna.
Celui-ci recueilli et élevé par un couple de bouviers avait accompli dès son plus jeune
âge des prodiges (effet de sa nature divine) suscitant surprise et admiration
des villageois, tout le monde était tombé sous son charme mais ses méfaits
irritaient aussi.
La tradition rapporte aussi que Krishna avait coutume de subtiliser les vêtements
des jeunes filles se baignant dans la rivière les leur rendant dès qu’elles venaient
les réclamer au pied de l’arbre dans la ramure duquel il s’était installé.
Krishna est une des manifestations majeures de la divinité dans la mythologie indienne.
Plus tard c’est lui qui délivrera l’enseignement de la Bhagavad Gita,
un des textes fondamentaux de l’hindouisme.
En regard de ces anecdotes, la mythologie occidentale ne donne guère de place
à la figure de l’enfant comme héro, jusqu’au XVIIIème siècle, à l’exception
notable de Gargantua. Puis, apparaîtront « Émile » de J.J.Rousseau, Joseph
Bara à la Révolution, Rémi de « Sans famille », Sophie des « Malheurs de Sophie »
et quelques autres mais l’enfant dans ces mythes est une victime.
L’élève Tabard du film de Jean Vigo « Zéro de conduite » et Zazie de Zazie
dans le métro R. Queneau font une place à l’enfant comme héro turbulent.
Chandra Covindassamy

Cordel n°66 écrit par le Collectif Outilsdusoin, après le café cordel de juin 2019, wwwoutilsdusoin.fr novembre 2019

les enfanst qui dérangent, hyperactifs ou turbulents ?- Cordel N°66

Lire l’article de Julien Brygo "La pilule de l’obéissance" dans le Monde Diplomatique N°789 de décembre 2019


Commentaires

Navigation

Articles de la rubrique

Agenda

<<

2023

 

<<

Mai

 

Aujourd’hui

LuMaMeJeVeSaDi
1234567
891011121314
15161718192021
22232425262728
2930311234
Aucun évènement à venir les 48 prochains mois

Annonces

Pour les migrants !


Statistiques

Dernière mise à jour

jeudi 25 mai 2023

Publication

521 Articles
56 Albums photo
35 Brèves
Aucun site
34 Auteurs

Visites

61 aujourd’hui
276 hier
300114 depuis le début
4 visiteurs actuellement connectés