J’y vais ou je n’y vais pas chez le médecin ? Cordel N°60
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Quand je sens que j’ai un problème de santé, je peux hésiter à consulter. Alors je me dis : « j’y vais ou je n’y vais pas chez le médecin ? »
Pourquoi je n’y vais pas ?
Je peux être tiraillé·e par des pensées contradictoires comme, entre autres :
Je me dis que je n’ai pas le temps. Que ça coûte cher, que je ne sais pas si tout me sera remboursé.
Je me dis que ce n’est pas grave, que ça va passer tout seul et que je peux m’en débrouiller.
Je n’ai pas envie de me déshabiller. Je n’ai pas envie de raconter toute ma vie.
Je ne suis pas sûr·e de pouvoir bien me faire comprendre.
Je crois savoir ce qui a déclenché mon problème et je me sens capable d’agir moi-même et de résoudre la situation.
Je crois aux ressources du corps et à l’équilibre du corps avec son environnement, je pense que c’est à moi de prendre soin de ma santé.
Je ne sais pas si je fais confiance à la médecine actuelle, si ce/cette médecin sera compétent·e pour ce que j’ai ?
Je me demande qui aller voir. Ce ou cette médecin va-t-il/elle m’écouter et me comprendre, penser que je viens pour une futilité, me juger et me faire des reproches sur ma manière de vivre ? D’autant plus s’il/elle évolue dans un autre milieu social que le mien ? J’ai déjà rencontré des médecins culpabilisant·e·s et un peu méprisant·e·s.
De plus, les scandales médicaux ont augmenté mes réticences.
Des fois, je préfère ne pas savoir et tant que je n’ai pas consulté, je n’ai pas l’étiquette de malade. Mais je peux tout de même m’inquiéter par moments.
Je ne veux pas me voir malade, ça ne me ressemble pas. Et j’ai déjà constaté que les gens malades sont mis·es à l’écart. Je préfère laisser le destin faire les choses, m’en remettre au hasard…
Si j’ai déjà été confronté·e à la maladie, je peux ne pas vouloir être de nouveau soumis·e à des traitements lourds, subir leurs effets secondaires et revivre ces horribles choses.
Qu’est-ce- que je vais chercher en allant chez un·e médecin ?
Ce n’est pas toujours simple. J’ai des douleurs qui m’alarment, je m’interroge sur des symptômes, je veux faire un contrôle (prise de sang, frottis…), j’ai une maladie chronique qu’il faut surveiller, j’ai besoin d’un papier, d’un certificat, d’un arrêt de travail…
Je vais chercher de l’aide auprès de quelqu’un·e que je pense être humain·e et compétent·e. J’ai envie d’être une personne à part entière et non pas un numéro, de pouvoir discuter des options possibles.
J’ai aussi des savoirs qui me sont propres et qui sont légitimes. Je suis en droit d’espérer un compagnon ou une compagne d’armes (qui se dit " thérapon " en grec) dans le combat contre la maladie.
Il est possible que je ne sache pas toujours trouver le chemin du soin, que je vienne le chercher sans oser le dire en allant chez le ou la médecin avec des symptômes qui paraissent anodins. D’autant plus si j’ai été négligé·e, maltraité·e ou si j’ai manqué de soins.
Quand cela fonctionne, il est très agréable de se sentir accueilli·e, écouté·e quelle que soit sa demande, et si possible compris·e.
Les clignotants qui devraient pousser à voir un·e médecin
Cela devrait clignoter quand je constate que ce n’est pas comme d’habitude, que je sens que quelque chose se passe et que je ne le maîtrise pas bien. Il y a des signes de gravité aiguë qui sont plus ou moins connus comme la nuque raide avec des vomissements pour la méningite, les douleurs thoraciques pour l’infarctus, les difficultés à parler pour l’accident vasculaire cérébral. Mais il existe aussi des symptômes qui ne semblent pas graves et pour lesquels une aide médicale peut être utile. Et parfois la maladie ne fait pas de bruit. De plus, il est dommage de souffrir et de s’inquiéter inutilement, alors que je pourrais être soulagé.e ou rassuré.e rapidement.
D’autre part, ce n’est pas toujours aux personnes en souffrance de solliciter les soignant·e·s mais à ces dernier·e·s d’aller à leur rencontre. Dans ces cas, les médecins peuvent leur proposer de les suivre régulièrement.
Que pourrait-on faire pour mieux savoir quand y aller ?
Dès l’enfance, on devrait pouvoir apprendre à connaitre son corps pour se l’approprier et comprendre son fonctionnement. Ainsi, je pourrais apprivoiser mes symptômes, m’alerter au bon moment ou au contraire dédramatiser. Cette éducation à la santé et ces informations devraient être transmises par les soignant·e·s mais elles le sont aussi par la famille, l’école, les médias et la curiosité personnelle. Je choisis une information indépendante de l’industrie pharmaceutique et des autres lobbies (comme par exemple le magazine Que choisir santé ou les ressources de la Cité de la santé http://www.cite-sciences.fr/fr/au-programme/lieux-ressources/cite-de-la-sante/),en sachant que cette information indépendante est très rare et j’apprends à avoir un regard critique sur l’information médicale véhiculée par les médias. Je gagne ainsi en autonomie par rapport à ma santé et donc aux soignant·e·s. Peut-être que soignant·es et patient·es pourraient alors construire ensemble une relation équilibrée et un accès tranquille au soin ?
Fais du bien à ton corps pour que ton âme ait envie d’y rester.
Proverbe indien
Croire à la médecine serait la suprême folie si n’y pas croire n’en était pas une plus grande encore.
Marcel Proust, A la Recherche du Temps Perdu
« Il est blessé ? » demanda-t-elle [….]
« Deux balles dans le dos. »
Il fallait appeler un médecin. […..] Après avoir prudemment pesé le pour et le contre, éliminé un à un trois vieux médecins du pays que Lourenço connaissait pour leur vénalité et leur lâcheté, ils se décidèrent pour le nom d’un jeune qui était arrivé récemment et qu’ils ne connaissaient même pas. Ils rendaient hommage, en choisissant sa personne, à l’esprit solidaire de la jeunesse, et jouaient à une roulette qui présentait au moins l’espérance d’une possibilité.
Miguel Torga (écrivain portugais du début du 20e siècle), Lapidaires
Cordel écrit par le Collectif Outils du soin
www.outilsdusoin.fr - janvier 2019, Cordel n° 60
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