Dépassements d’honoraires : les refuser - Cordel N° 57
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Aujourd’hui près d’un quart de la population renonce à des soins pour des raisons financières. La pratique des dépassements d’honoraires remet en cause l’égalité de l’accès à des soins de qualité pour toutes et tous. Ils contribuent à fragiliser notre système de protection sociale dont le principe est : « chacun·e cotise selon ses moyens et reçoit selon ses besoins ».
Dépassements d’honoraires : Pourquoi les refuser
En effet, pour une consultation médicale ou une opération chirurgicale, dans 50% des cas on doit payer un dépassement d’honoraires demandé par le/la médecin. En France, les 2/3 de ces dépassements sont payés par les usager·e·s. (voir le tableau au verso). Cela crée de fortes inégalités.
Depuis 1970 en France, une convention est signée tous les 5 ans entre les caisses d’Assurance Maladie et les syndicats représentant les médecins. Cette convention fixe les « tarifs opposables », c’est-à-dire le montant d’un acte médical et son taux de remboursement (par exemple, sur le tarif de 25€ pour une consultation de médecine générale, la Sécurité Sociale rembourse 17,50 euros (70%) à l’usager·e).
Dix ans plus tard, pour des questions de budget, l’Assurance Maladie ne peut pas augmenter (revaloriser) les tarifs de consultations et autres actes médicaux comme le voudraient les syndicats de médecins. Des négociations ont donc eu lieu, et deux secteurs conventionnels ont été créés :
secteur 1 : les médecins appliquent le tarif défini par l’Assurance Maladie et bénéficient d’une réduction de leurs cotisations sociales.
secteur 2 : les médecins appliquent des tarifs libres, théoriquement limités par « tact et mesure » selon le code de déontologie de l’Ordre des médecins. Ils bénéficient d’une moindre réduction de cotisations.
Pourtant, entre 1990 et 2015 le montant total des dépassements d’honoraires a triplé, passant de 763 millions d’euros à 2,4 milliards d’euros3. La plupart des usager·e·s ont accepté de payer ces dépassements, pensant que c’était une garantie pour de meilleurs soins. Ces frais sont pris en charge partiellement par certaines assurances complémentaires, plus chères. Les usager·e·s ne se rendent alors pas compte de l’augmentation de la part qui n’est pas remboursée par l’assurance maladie. Le fait que les complémentaires remboursent tout ou une partie des dépassements d’honoraires contribue à les faire considérer comme « normaux ». De fait, les complémentaires augmentent sans cesse leurs tarifs, ce qui compense largement pour elles les sommes dépensées pour les dépassements d’honoraires.
Médecins et usager·e·s ayant accepté ces pratiques, on a assisté à une forte augmentation du secteur 2. On retrouve des dépassements d’honoraires aussi à l’hôpital public, pour satisfaire des médecins qui veulent augmenter leurs revenus et menacent de partir travailler dans les cliniques privées.
En octobre 2011, sous prétexte de limiter les dépassements d’honoraires et les dépenses de santé, la convention négociée entre l’Assurance Maladie et les syndicats de médecins a créé le Contrat d’Accès aux Soins (devenu en 2016 OPTAM, option tarifaire maitrisée). Les médecins qui signent ce contrat s’engagent à ne pas augmenter leurs tarifs et leur pourcentage de dépassement avec, en contre-partie, une prise en charge partielle de leurs cotisations sociales. Mais le rapport du 20 septembre 2017 de la Cour des comptes sur la Sécurité Sociale montre que c’est un échec : pour éviter 1 euro de dépassement, l’assurance maladie dépense 10 euros3.
Quoiqu’il arrive, le dépassement d’honoraires, c’est nous qui le payons, au profit de l’enrichissement personnel des soignant·e·s qui le pratiquent. Même si individuellement il est le plus souvent difficile de refuser un dépassement d’honoraires, à la fois par manque d’information, mais aussi pour ne pas remettre en question la relation avec le médecin, il est possible de remettre en cause ces pratiques par différentes stratégies. Certaines associations sont déjà à l’oeuvre.
Sources
1 UFC que choisir www.quechoisir.org
2 Association La santé, un droit pour tous http://santedroitpourtous.over-blog.com
3 Rapport IGAS, les dépassements d’honoraires médicaux, 2007
Comment se défendre ?
Avant la consultation ou l’intervention, on peut :
Se renseigner sur les tarifs des médecins avant d’aller en consultation : aller sur le site www.ameli.fr, demander au secrétariat en téléphonant, etc.
Choisir un autre lieu de soins ou un autre praticien en secteur 1
Demander à son/sa médecin traitant de discuter verbalement ou par courrier le dépassement d’honoraire.
Pendant la consultation, on peut :
Demander directement au/à la médecin une modération/absence de dépassement d’honoraire.
Se faire accompagner car il est plus facile de dire NON lorsqu’on se sent soutenu·e. -Refuser le dépassement une fois la consultation réalisée. -Demander un délai de reflexion avant d’accepter de signer un document (qui risquerait de valoir « reconnaissance de dette »)
On peut aussi contacter des associations de patient.e.s ou de défense des consommateurs.trices
Association d’usager·es luttant spécifiquement contre les DH : exemple Livret D-Stop (1)
Confédération syndicale des familles (aide au victimes), Comité Inter-associatif Sur la Santé, Syndicat de la Médecine Générale
Autre relais éventuels : Comités locaux de défense de la santé de proximité
1. Réalisé par le collectif girondin Santé un droit pour tous, on peut le trouver sur http://www.outilsdusoin.fr/spip.php?article399
Pour accéder au pdf à lire sur votre ordinateur, cliquez sur la vignette ci-contre
Pour accéder au pdf à imprimer et plier, cliquez sur la vignette ci-contre
Cordel écrit par le Collectif Outils du soin et le Syndicat de la Médecine Générale, Avril 2018, www.outilsdusoin.fr
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