Dans mon pays, la vie d’un homme ne compte pas, surtout s’il est pauvre

samedi 19 août 2017
par  M A M
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**J’aime mon pays, mais dans mon pays règne la souffrance. Dans mon pays il y a la violence, on brûle les villages, on maltraite les gens, les pauvres, les faibles. Le pouvoir n’autorise pas les gens à penser, il pense pour tout le monde. Ceux qui ont le pouvoir présentent un visage parfait à l’extérieur. Personne ne peut se douter du mensonge qui se cache derrière ce visage, personne ne peut savoir ce qui se passe vraiment à l’intérieur du pays.

Dans mon pays, là-bas, il y a la corruption et aucun respect du Droit. Ceux qui ont le pouvoir ont tous les droits. Dans mon pays, là-bas, il se passe des choses terriblement graves. Dans mon pays il n’y a pas de respect pour le pauvre. Si je suis pauvre, faible, que je n’ai rien tout, que je ne fais de mal à personne, je vaux moins qu’un chameau.

Dans mon pays, les puissants considèrent qu’il est honteux de respecter le pauvre. Dans mon pays, les pauvres ne commettent pas de forfait, ne volent pas, seuls les « responsables » agissent ainsi. Dans mon pays il n’y a pas d’égalité. A l’intérieur de ma maison, dans ma famille, on m’a éduqué pour distinguer le bien du mal. Mais à l’extérieur, la force est la seule règle. Dans mon pays, ceux qui ont le pouvoir ne veulent pas que l’on y vive vraiment. Comme si nous avions été créés, non pas pour vivre notre vie, mais pour nous soumettre à leur domination. Soit il faut mourir, soit il faut partir. Dans mon pays, ceux qui détiennent le pouvoir, considèrent le pays lui-même comme leur ennemi, et tous ceux qui aiment ce pays comme leurs ennemis. Moi, si je suis honnête, si j’aime la Liberté, je suis considéré comme un ennemi.

Depuis la France, je salue ceux qui, dans mon pays, n’ont aucune liberté, ne peuvent rien dire. Je salue les fils, les enfants des villages, de toutes les régions. Je salue l’enfant, l’orphelin, qui a perdu toute sa famille, qui n’a plus aucun soutien. Je salue tous ceux qui ont émigré et qui ont péri en mer.

J’ai quitté mon pays, mais j’ai dans ma mémoire son hymne national. Je salue tous ceux qui ont essayé de résister et de continuer à cultiver leur terre.

Je salue tous ceux qui agissent dans les Organisations humanitaires au Soudan pour nous aider. Je salue tous les sauveteurs en mer qui ont secouru des migrants. Je te salue, toi, l’ami, capitaine du bateau Mowas, qui nous a pris à son bord pour nous sauver. Je salue tous les Européens qui quittent leur travail et leurs occupations, et se mettent en danger pour nous aider et nous sauver. Je salue tous ceux qui, en France, nous ont accueillis, nous ont aidés, nous soutiennent. Je salue le peuple français, et tout particulièrement les habitants des Vans, en Ardèche.

Aout 2017, au CAO des Vans

Mohamed Abakar Mohamed
Originaire du village détruit de Karmnoy, région du Darfour. Soudan


Ces migrants que l’on expulse...

Le texte ci-dessus a été écrit spontanément, dans l’urgence, et par coïncidence, à la veille de la notification à son auteur d’avoir à quitter la France sous huit jours, pour rejoindre l’Italie, où il a laissé ses empreintes digitales en arrivant par mer. Ceci, en vertu des accords de Dublin, selon lesquels les migrants entrés en un point du territoire de l’UE, peuvent y être reconduits lorsqu’ils sont repérés sur le territoire d’une tierce nation européenne.
Et alors que ces migrants, chassés de leurs pays par la guerre, la répression politique, la corruption, étaient fraternellement accueillis par la population de nos villages d’Ardèche, apprenant notre langue, se comportant de façon exemplaire, une décision soudaine de la Préfecture les renvoie en Italie, pays débordé par l’afflux des migrants, où rien n’est prévu pour les recevoir.
Sommes-nous tombés sur la tête pour être devenus incapables de comprendre que nous allons droit dans le mur, sous l’empire d’une politique migratoire incapable de discerner où se trouve notre propre intérêt dans l’accueil de ces migrants, sel d’une population intelligente, courageuse, industrieuse, qui ne demande qu’à nous rendre au centuple l’amitié qu’elle attend de nous ?}}

- Danielle Stordeur, directeur de recherches émérite au CNRS, ancien directeur de la Mission archéologique El Kowm-Mureybet (Syrie) du Ministère des affaires étrangères, bénévole enseignante de français au CAO des Vans, traductrice du texte de Mohamed Abakar Mohamed
- Lucien Farhi, ancien directeur général de France Active (*), ancien Président de la société financière France active garantie, ancien directeur du fonds Solidec de la Caisse des dépôts et consignations, pour l’intervention en fonds propres dans les entreprises des quartiers relevant de la politique de la ville
- Tous deux aujourd’hui simples citoyens, et indignés.

(*) association présidée par Claude Alphandéy et dédiée au soutien financier des entreprises d’insertion et chômeurs créateurs


Commentaires

dimanche 20 août 2017 à 19h19

Je me permets d’ajouter un commentaire à ce texte.

L’article 17 du Règlement de Dublin III précise :
(17) Il importe que tout État membre puisse déroger aux critères de responsabilité, notamment pour des motifs humanitaires et de compassion, afin de permettre le rapprochement de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent et examiner une demande de protection internationale introduite sur son territoire ou sur le territoire d’un autre État membre, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères obligatoires fixés dans le présent règlement.
Cet article a été repris dans la Constitution française, dont l’article 53-1 précise :
[…] Toutefois, même si la demande n’entre pas dans leur compétence en vertu de ces accords, les autorités de la République ont toujours le droit de donner asile à tout étranger persécuté en raison de son action en faveur de la liberté ou qui sollicite la protection de la France pour un autre motif.

On peut déduire de ce qui précède que rien n’obligeait l’actuel ministre de l’Intérieur à confirmer à ses préfets les instructions d’expulsions en masse données par son prédécesseur. Alors que nous savons, depuis, ce qui se passe en Italie pour ces migrants, livrés à leur retour dans ce pays directement à la rue, quand ce n’est aux réseaux de mendicité ou délinquance. Les témoignages recueillis devant les tribunaux français sont suffisamment explicites à ce sujet.

Le chef de l’Etat n’avait-il pourtant pas précédemment affirmé qu’accueillir les migrants était "le devoir et l’honneur" de la France ? Oui ?

Lucien Farhi

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