La honte, comment en sortir ? - Cordel N°14
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On rencontre parfois des personnes qui se retrouvent enfermées dans un silence et une paralysie dont elles ne savent pas quoi faire, ni quoi penser. Pour aider ces personnes, il est utile de penser à la possibilité du sentiment très particulier qu’est la honte.
La honte, un lien mortifère entre un honnisseur et sa victime
Freud a peu étudié la honte. Ce sont d’autres psychanalystes pionniers, comme Sandor Ferenczi, Imre Hermann, Nicolas Abraham, et plus près de nous Serge Tisseron qui ont exploré la honte.
Déjà appeler un chat un chat. La honte n’est pas un sentiment naturel. Pour qu’il y ait de la honte, il faut auparavant qu’il y ait eu quelqu’un qui a fait honte à quelqu’un d’autre. C’est un lien d’oppression, de soumission, imposé par un agresseur, le « honnisseur », qui a voulu rendre l’autre honteux, qui a décrété honteux un acte ou une situation. C’est une affaire de regard. Quelqu’un a décidé de façon arbitraire les critères de dignité qui autorisent à faire ou non partie du groupe. Comme si le pipi au lit mettait un enfant au ban de la famille, le fait d’avoir une particularité physique de couleur de cheveux ou de peau justifiait des moqueries en cour de récréation, comme si le fait d’avoir été marginalisé par un licenciement signifiait une fainéantise, comme si le fait de venir d’un autre pays expliquait le fait d’être méprisé, ne méritant pas les droits minimum de respect et de sécurité.
Une double attaque
La honte est un sentiment terrible qui s’attaque à la fois à l’image de soi et au sentiment d’appartenance au groupe. Les armes du « honnisseur » sont le regard qui foudroie, le ton de mépris, les paroles de menace, d’humiliation, l’abus de pouvoir, voire la violence physique, la torture. D’une part, celui qu’on a fait se vivre « honteux » veut disparaitre dans un trou de souris, se sent moins que rien. Il court un risque de désagrégation mentale. D’autre part, il se sent exclu du groupe, de la famille, des collègues, de la nation, voire de l’humanité. Il ressent l’angoisse de l’exclusion. La honte frappe ceux chez qui les rapports de force ont empêché révolte et colère. La honte n’est ni la pudeur qui protège, ni la culpabilité avec sa faute et avec sa possibilité de réparation.
Tragédies de l’Histoire et honte
Il est des situations extrêmes, où l’horreur vécue n’est ni dicible, ni audible, que l’on en ait été témoin, victime, voire acteur, comme rescapé de la Shoah, de génocides, d’atrocités, de torture (de la guerre d’Algérie, ou d’ ailleurs). Le poids de la honte pèse à la fois sur les protagonistes, mais aussi sur les descendants (comme on le verra au recto). Il est aussi des violences sociales plus souterraines, liées à la misère et aux choix économiques, où ceux qui sont marginalisés ont honte d’être mis à l’écart et de ne pas pouvoir protéger les leurs.
Comment aider ? Un regard à la fois politique et empathique
Reconnaitre l’injustice, l’humiliation subie, l’importance du trauma. Lever le déni. Etre attentif à la honte qui se dit et celle qui ne peut l’être. Celle que le sujet a subie directement et celle de ses parents.
Etablir un climat d’écoute, de bienveillance, pour être le tiers qui se tient aux côtés de la personne qui s’était retrouvée auparavant seule face à son ou ses « honnisseurs ». Le sujet honteux a besoin d’un témoin qui lui permette de retrouver sa place dans la communauté.
Etre en relais avec des groupes qui assurent le soutien de la communauté (femmes battues, anciens buveurs ...).
Aider à retrouver les sentiments que la honte a étouffés, la colère, la révolte…
Valoriser la honte comme certitude d’appartenir au genre humain. Si quelqu’un a honte, c’est qu’il peut s’imaginer autrement. Le conforter dans son estime de lui et dans sa capacité de faire de grandes choses.
ce cordel doit beaucoup au livre de Serge Tisseron La honte. Bien des formulations viennent de lui.
pour continuer : Régine Prat, psychanalyste la "patate chaude" de la honte
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