Marisol Touraine et la fin du « Trou de la Sécu »

samedi 26 novembre 2016
par  Matthieu
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Alors, ça y est, le voilà en vue, le Graal de tout ministre de la santé, la quintessence d’années de réformes pour « sauver » notre système de soins : le Rebouchage du Trou de la Sécu !
Alors forcément, on se félicite au gouvernement, on explique aux syndicats que, quand même vous voyez bien que ça avait un intérêt toutes ces lois les unes après les autres puisqu’enfin les comptes sont équilibrés. Le trou est rebouché. Ou pas…

Déjà cette idée de « trou » est assez étrange pour désigner des sous : c’est pas très dynamique un trou, on peut juste le creuser puis le reboucher. Et en général on fait pas les deux en même temps… Or, un budget c’est à la fois de l’argent qui entre et de l’argent qui sort, le déficit désignant juste sur l’année des recettes inférieures aux dépenses. À la limite, le trou pourrait désigner la dette, c’est-à-dire l’accumulation de déficits sur une certaine période de temps.

Par conséquent, le trou serait la dette de la Sécurité Sociale (humhum, de l’Assurance Maladie) – et on n’en est pas encore à le reboucher (seulement à éviter de le creuser davantage) – et non le déficit.

Et le déficit alors ? Plutôt une baignoire. Pourquoi alors ne pas dire qu’on a arrêté de vider la baignoire de la Sécu ? Eh bien parce que les gens (comprendre cette plèbe impertinente gênant les énarques et autres cerveaux de la gestion de l’État) voient assez bien ce qu’est une baignoire et notamment le fait qu’une baignoire possède certes un orifice permettant à l’eau de s’écouler, mais aussi un robinet qui permet de la remplir.
« Et, demanderait alors un.e impertinent.e, pourquoi ne pas ouvrir le robinet de cette baignoire ? ». Comprendre les sous allant vers la Caisse d’Assurance Maladie et permettant à chaque personne en France d’être soignée dans des conditions à peu près correctes.
Parce qu’on a alors un souci de collision entre deux images. Ce robinet a en effet un autre petit nom dans le langage politique : ce sont les cotisations sociales, autrement dit les« charges ». Ces horribles poids sous lesquels ploient les bienfaisants entrepreneurs sur lesquels on compte tant pour faire augmenter la croissance (du PIB, hein, on ne va quand même pas parler d’autre chose !) et par voie de conséquence (ou pas – mais puisque TF1 et France 2 le disent, n’allez pas faire vos complotistes !) le chômage. Le grand méchant de l’histoire, faut-il encore le rappeler ?

Maintenant qu’on s’est bien perdus dans les images, matraquons un peu les chiffres (oui, en économie on dit chiffres et pas nombres – et il y en a encore pour douter de la rigueur de l’économie comme science exacte…).

En 2014, le déficit du régime général de la Sécurité Sociale (on parle de lui surtout, en vrai il y a d’autres régimes, mais c’est lui le plus gros donc on va éviter de compliquer inutilement) était de 13,2 milliards d’euros, soir un déficit de 2,9%. À noter que l’État n’arrive pas à faire mieux que le pire de la Sécu ! On va donc dire que c’est pas dramatique.

Ses recettes proviennent majoritairement des cotisations sur le travail (une partie de votre salaire brut et une cotisation « patronale », c’est à dire prélevée auprès de l’employeur sur la valeur de votre production) et d’un impôt : la CSG (Cotisation Sociale Généralisée). Et il en manque. D’une part en raison de revenus non soumis à ces cotisations, pour un montant estimé de 6,5 milliards d’euros, d’un « allègement des charges sociales » (c’est à dire d’une diminution de la part de cotisations sociales payées par l’employeur) pour 3 milliards. Et surtout d’une fraude aux cotisations estimée à 20 milliards d’euros.
Le problème n’est donc pas tant une fuite de la baignoire qu’un robinet qui a été fermé petit à petit.
Et ça ne s’arrête pas là : parmi les dépenses du système de soins, certains postes ont été remarquablement épargnés. Ainsi il serait possible d’économiser 10 milliards d’euros de remboursements de médicaments si seuls les médicaments utiles (comprendre avec une balance bénéfices-risques favorable, notée en SMR, Service Médical Rendu) étaient remboursés. Le dernier exemple en date étant celui de 4 médicaments anti-Alzheimer, au SMR ré-évalué à la baisse en octobre dernier à un niveau 5, ce qui signifie que leurs bénéfices sont jugés insuffisants et incertains par rapport aux risques pour les patient.es. Mais la Ministre de la Santé est passée outre cet avis, et a décidé de conserver leur taux de remboursement.

Si l’Evidence Based Medecine a apporté des améliorations sur certains aspects de la prise en charge des patient.es, il est bien dommage que les responsables politiques s’affranchissent toujours autant des éléments d’expertise qui leur sont présentés. Les données ne sont pas tout, mais au moins permettent-elles de poser les bonnes questions.

Paru dans la revue « Citoyens : le journal participatif du réseau » MEDSI, numéro 13 novembre 2016 https://medsi.eu
Cet article s’est notamment appuyé sur le Cordel « Le Trou de la Sécu : une invention ? », réalisé par le collectif des Outils du Soin. http://www.outilsdusoin.fr/spip.php?article169


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