Vous avez dit « prendre en charge » ?
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Le cordel « Prendre en charge sa maladie - N°36 », pose une question cruciale.
Quelques réflexions à la volée sur le terme de "prendre en charge" qui est interrogé dans ce texte. François Tosquelles, psychiatre et psychanalyste à l’origine, avec quelques autres, du mouvement de la "psychothérapie institutionnelle" dans les années 1940, à l’hôpital de Saint-Alban, avait, paraît-il coutume de dire "il n’y a que les ânes qui prennent en charge".
Cette phrase abrupte a le grand intérêt, à mes yeux, de poser clairement ce qui est en jeu dès que ce terme est employé. Le terme « prendre en charge » ou « prise en charge » fait partie du vocabulaire des assurances : prise en charge financière des frais liés à un dommage. Dans le domaine du soin, une telle approche, dans sa référence contractuelle économiste implicite, est en cohérence avec un modèle idéal de la médecine qui devrait déboucher nécessairement sur une guérison (parfois, malgré tout, sur une disparition) et, du même coup, sur une séparation du soigné et du soignant, fin du contrat !
Le terme de "prendre en charge" peut aussi fonctionner comme un analyseur : qui prend en charge quoi ? Pour la pensée commune, dans des affections aigües, c’est le soignant qui prend en charge le soin. Mais dans des affections chroniques, la tendance serait à ce que ce soit le patient qui doive prendre en charge son traitement ; comme si, dès lors que la réalité prive le soignant de la perspective d’une guérison, la responsabilité du traitement devait incomber au patient. Dans les deux situations, un seul des deux protagonistes serait vraiment actif ou responsable.
Comme cela apparaît bien dans le texte du cordel, ce schéma n’est plus pertinent pour des affections chroniques dans lesquelles l’horizon n’est pas la séparation par la guérison, mais précisément un cheminement, un compagnonnage au cours duquel des paroles seront échangées et des savoirs partagés. La figure du compagnon (therapon, en grec) renvoie, par exemple, à Patrocle par rapport à Achille.
Une relation entre soigné et soignant qui, si elle ne peut pas être symétrique, serait alors moins à sens unique.
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