Halte à la surmédicalisation - Cordel N°33
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La surmédicalisation est mauvaise pour la santé et pour la société
Nous vivons dans des sociétés où la médecine s’est beaucoup développée. Le moindre symptôme mène chez le médecin, et on en sort avec des médicaments ou des ordonnances d’examens. On parle beaucoup de maladies et on est rassuré quand les examens les éliminent. Bien sûr les maladies graves existent et doivent être diagnostiquées et traitées si c’est possible, prises en compte sérieusement quand on les a repérées. Mais la plupart des symptômes disparaissent avec des moyens simples et les défenses de l’organisme, des conseils suffisent le plus souvent. La prévention consiste à éviter des maladies, comme par les vaccinations ou le suivi de la croissance des enfants. Les dépistages tentent de repérer un début de maladie grave pour la traiter rapidement. Néanmoins, dans nos sociétés surmédicalisées, trop souvent on en fait trop.
Trop dépister certains cancers ne fait pas mourir moins
Le dépistage du cancer du sein est un exemple. Le rythme de dépistage est très différent selon les pays, et n’est pas fondé sur des bases scientifiques solides. En France, on propose aux femmes de 50 à 74 ans une mammographie tous les 2 ans, soit 13 mammographies par femme. En faisant le dépistage chez 1000 femmes tous les 2 ans, cela permet d’éviter 3 et 4 cancers mais on trouve chez 8 à 16 femmes des images considérées comme des cancers mais qui n’auraient en fait jamais évolué même sans traitement. Ces femmes subissent des opérations, radiothérapies ou chimiothérapies lourdes non justifiées. Car les scientifiques ne savent pas faire la différence précocement entre les lésions qui évoluent et celles qui n’évoluent pas. De nombreuses femmes sont aussi inquiétées à tort parce qu’on leur parle d’abord de cancer sur les radios alors que les examens au microscope ne le confirment pas. Finalement, les femmes ne meurent pas moins grâce au dépistage, car certaines meurent des complications des traitements dont elles n’avaient pas besoin et une femme dépistée tôt ne voit pas son espérance de vie s’allonger. Pour le cancer de la prostate, c’est encore pire : les hommes chez qui on trouve un cancer dix ans plus tôt par le dépistage ne vivent pas plus longtemps que ceux qui le découvrent quand ils ont des symptômes. Mais ils subissent pendant 10 ans de plus des traitements et des opérations qui leur gâchent la vie.
Surtraiter les facteurs de risque, est-ce nécessaire ?
Certains facteurs favorisent les maladies cardiaques : le tabac, le diabète, l’hypertension artérielle, trop de cholestérol, l’obésité, la sédentarité… Des études ont montré que si l’on soigne certains de ces facteurs, on diminue la mortalité cardiaque. Mais sous pression de l’industrie pharmaceutique, les experts ont régulièrement baissé les taux au-delà desquels on décide de prescrire des médicaments : de plus en plus de personnes sont alors considérées « à traiter ». On en vient à traiter le plus tôt et le plus fort possible. Or en traitant trop on crée des risques et les personnes meurent parfois des complications du traitement plutôt que de problèmes cardiaques. Certaines statines contre le cholestérol risquent même de provoquer du diabète ! Certains médicaments du diabète, ou contre le cholestérol ou l’hypertension donnent des problèmes de foie, de pancréas, de muscles ou de reins…Sans compter le stress que représente le fait de prendre des traitements, et leur coût pour la société.
Avoir un diagnostic est-ce que cela améliore la santé ?
La psychiatrie est le domaine où l’on diagnostique le plus de maladies, en fonction des médicaments qui pourraient les traiter. Le DSM ( Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders) classifie les maladies mentales : il comportait moins de 100 maladies en 1952, plus de 300 actuellement. Tout état d’âme peut devenir une maladie, les personnes sous antidépresseurs se multiplient. Or des études ont montré que la psychanalyse, les médicaments ou la psychothérapie comportementale ont les mêmes effets à long terme sur la dépression.
Dans d’autres domaines, le diagnostic entraîne des interventions non indispensables, avec des risques. Ainsi le diagnostic de hernie discale en cas de sciatique, qui mène à la chirurgie, dont l’efficacité est rarement meilleure que le repos et le mouvement guidé par des thérapies douces.
Citations « Que veulent ceux qui ne cherchent ni la vertu, ni la terreur ? Ils veulent la corruption. » Alain Badiou citant Saint Just « L’économie n’a pas les réponses à la question du trop » Pierre Volovitch dans la revue Pratiques n°63 « Il faut avoir les épaules solides pour modifier une ordonnance car il est indispensable de bien argumenter cette décision. » Alain Siary, Formindep « Combien de temps faut-il à un patient pour comprendre sa maladie, combien de temps pour l’apprivoiser, l’accepter et évoluer avec ? Combien d’espace nous faut-il à nous, médecins, pour digérer le contact avec des malades, des individus qui gèrent leurs problèmes chacun à sa manière ? Combien de temps nous faut-il pour nous écrouler sous la toute-puissance de la montre et le besoin de faire encore plus ? » Philippe Barrier, Wonca 2004 |
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Cordel écrit par Lanja Andriantsehenoharinala et Martine Lalande, médecins généralistes, à partir d’une communication au Colloque international du Laboratoire du Changement Social et Politique le 30 mai 2016 sur « Sécurité sociale et écologie au 21è siècle ». juillet 2016 www.outilsdusoin.fr............................. Cordel N° 33 | cordel :petit fascicule brésilien de poèmes ou écrits subversifs accrochés à une corde à linge et vendus dans les marchés |
La surmédicalisation c’est bon pour l’industrie, pas pour la santé |
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