Lettre ouverte aux auteurs du Livret OGM/Thérapies géniques

vendredi 12 août 2016
par  Jean-Pierre Berlan
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Votre texte est très bien, très clair et précis, sauf que, pour moi, il ne faut pas traiter dans le même livret des clones pesticides brevetés, alias Ogm et de l’utilisation des techniques moléculaires à des fins thérapeutiques car c’est contribuer à la confusion que les nécrotechnologues entretiennent dans l’esprit du public qui n’arrive pas à faire la différence entre les prétendus "ogm" agricoles qui occupent des millions d’ha et les ogm prétendument "thérapeutiques", le plus souvent obtenus par cultures en fermenteurs et non dans les champs.
En prolongement de point, je pense qu’il faut éviter de rentrer dans les détails techniques. Je sais qu’ils sont fascinants, que le public aimerait comprendre de quoi il retourne et il faut soi-même s’en faire une idée suffisamment précise pour ne pas en parler. Aborder les questions techniques, c’est détourner l’attention du public profane de la réalité qui lui importe.
Il y a là un problème très général. Les termes que nous utilisons n’ont pas le même sens selon la situation sociale des uns et des autres. Or nous utilisons constamment les termes techno-scientifiques, comme si c’était ce qui nous importait, à nous. La domination passe par le vocabulaire qu’on nous impose. Nous sommes alors entraînés dans la folle fuite en avant techno-scientifique qui va si vite qu’elle ne nous laisse pas le temps de nous rendre compte de ce qui se passe dans nos vies. Nous sommes alors incapables de nous y opposer.

Le terme "Ogm" se réfère à la méthode techno-scientifique d’obtention. Que les scientifiques et ceux qui les financent l’utilisent est compréhensible. Mais pour nous qui sommes à l’autre bout de la chaîne, l’expression n’a aucun sens. On se f... de la façon de les obtenir. Pour nous, le résultat socio-politico-économique compte, pas le processus d’obtention. Les Ogm réels pour nous, pour des milliards d’humains, ce sont des clones pesticides brevetés. Pas besoin de savoir comment on les obtient pour comprendre qu’ils sont un immense danger pour nous.

(Je crois savoir qu’il est toujours possible de faire produire une molécule thérapeutique en fermenteur. Les cultures en champs sont, à mon sens, une provocation délibérée. Par exemple, un semencier avait fait des essais d’un maïs transgénique produisant une molécule destinée à lutter contre la mucoviscidose. Outre que ces travaux permettaient de toucher de coquettes subventions au nom de la lutte contre les maladies orphelines (ne jamais oublier ce genre de choses !), il s’agissait avant tout de convaincre l’opinion publique de l’intérêt du maïs transgénique. Lorsque les Faucheurs sont intervenus, le semencier a tout fait pour les faire passer pour des criminels. L’affaire du riz doré témoigne de la même forme de criminalité en col blanc. Le petit monde technolâtre se soucie comme une guigne des carences en vitamines A, B, C ou X !)

Or le livret montre très bien que les prétendus Ogm cultivés et les Ogm thérapeutiques n’ont rien en commun, sauf l’expression les désignant. Il faut donc aller jusqu’au bout et traiter séparément des Ogm/clones pesticides brevetés et des organismes destinés à produire de gigantesque profits par l’intermédiaire de molécules "thérapeutiques".
Pour moi, il faut deux livrets.

Je termine avec les leçons que je retire du décorticage du maïs "hybride". L’expression a permis la poursuite d’une formidable escroquerie scientifique pendant un siècle. Toute plante de maïs résulte d’un croisement et est donc "hybride". Ce qui différencie le maïs "hybride" d’une plante de maïs naturelle, ce n’est pas son "hybridité", son hétérozygotie, mais le fait qu’elle est reproductible individuellement par le sélectionneur et lui seul grâce à une "manipulation génétique" (déjà !) d’autofécondations successives suivie du croisement des lignées pures correspondantes. De la sorte, l’agriculteur est tous les ans obligé de racheter sa semence au semencier. Celui-ci a ainsi trouvé le brevet permanent ! Mais tout le monde, scientifiques en tête, s’est précipité sur les mystères de la vigueur hybride... Si j’avais poursuivi dans le décorticage technique et scientifique des mystères de l’hybridité, jamais je ne me serais rendu compte de l’escroquerie. C’est parce que je me suis intéressé en priorité à la signification pour nous de cette innovation – la fin de la gratuité de la vie – que j’ai pu remonter à la source de l’escroquerie.
La lutte des classes est entre la technocratie politico-économico-techno-scientifique et le reste de l’humanité.


Jean-Pierre Berlan est économiste, ancien Directeur de recherche à l’INRA. Ses travaux portent en particulier sur l’histoire de la sélection et de la génétique agricole dominée par une lutte bi-séculaire contre la gratuité de la reproduction des êtres vivants. Cette lutte s’achève sous nos yeux, avec la prise de contrôle des semences - de la vie - par les multinationales des pesti-, herbi-, fongi-, gaméto-, acari-, etc.CIDES, les "Ogm" et le brevet du vivant qui leur confère à nos dépens, un monopole sur la reproduction - au nom du libéralisme !


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