Le VERCYTE : un trou de plus à la Sécu !
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Le VERCYTE ? un médicament qui, pour le même service rendu, voit son prix quintuplé, en étant, par ailleurs, toujours remboursé à 100 %
UN CONTE DE FEES POUR LABOS PLEINS DE SOLLICITUDE POUR NOTRE SANTE
Recette : vous risquez 200 000 € de capital dans une vieille coquille de Labo pratiquement vide achetée pour la circonstance. Mais ne craignez rien, parler de risque est un peu fort, en l’occurrence, puisque ce montant n’est définitivement déboursé qu’après l’assurance d’une Autorisation de mise en marché (AMM) positive.
Et là, drelin, drelin, qu’il tinte agréablement aux oreilles le bruit du tiroir-caisse qui vous délivre, sans grand effort, désormais, et intégralement aux frais de la Sécu, quelque deux millions d’€ cash annuellement, pour vos 200 000 € investis, soit un taux de rendement du capital de … 1000 % Comparez donc au taux que vous verse votre caisse d’Epargne : 0.75%, pour le livret A !
Mais tout de même, il aura fallu se donner le mal, au préalable
1. De concevoir la combine, parfaitement légale, du reste
2. D’en réaliser les étapes en commençant deux années plus tôt
Alors, quelle est-elle donc, cette fameuse combine ?
D’abord, trouver un produit dont le propriétaire cherche à se débarrasser.
Eh bien, au pur hasard, naturellement, prenons le cas du VERCYTE. Un médicament peu connu du grand public, utilisé contre la polyglobulie (Maladie de Vaquez), à base de Pipobroman, une molécule dont on ne connait même pas le mode d’action, et plutôt toxique (leucémies et cancers divers signalés en effets secondaires). Le VERCYTE est prescrit seulement en deuxième intention, en cas d’allergies à l’hydroxycarbamide. Un médicament à faible diffusion, donc – 4200 boîtes/mois, précise le labo producteur, Abbott. Celui-ci se propose de retirer le VERCYTE de la circulation, tout en indiquant que ce n’est pas pour insuffisance de résultats économiques mais simplement parce que son fournisseur de Pipobroman – le groupe Novasep – souhaite en arrêter la fabrication, pour cause de toxicité pour le personnel de sa chaîne de fabrication. [1]
Les malades, à cette perspective, s’alarment. Tranquillisez-vous, bonnes gens, le Chevalier blanc est là, en la personne des Laboratoires Delbert. Et voilà l’étape N°1 de la fameuse combine : le 05/07/2012, la société PHARMANET MC DEVELOPMENT, société civile familiale, à activité de holding, a racheté les LABORATOIRES DELBERT, petite firme de commerce de gros de produits pharmaceutiques, à l’activité modeste.
Etape N°2 : Abbott cède ses droits sur le VERCYTE aux LABORATOIRES DELBERT.et l’AMM est transférée le 10/09/2014
Etape N°3 : le 03/12/2014, les LABORATOIRES DELBERT reçoivent l’avis favorable de la Commission de Transparence pour le renouvellement de l’AMM.
Etape N°4 : les LABORATOIRES DELBERT se donnent les moyens de concrétiser sur le terrain leur rôle de successeur d’Abbott. Le 18/12/2014, augmentation du capital porté à 200 000 € souscrits à parts égales par PHARMANET MC DEVELOPMENT qui conserve la présidence et un nouveau venu, qui en devient le DG. Les deux dirigeants ont une riche carrière au sein du marketing de groupes pharmaceutiques parmi les plus grands : Bayer, Pfizer, Parke-Davis. Le premier fait en outre partie du Bureau de l’Association des cadres de l’industrie pharmaceutique, le second détient un second mandat de dirigeant, au sein de BH Pharma, aux côtés d‘un autre dirigeant du secteur. En somme, des pros.
Etape N°5 : le jackpot ! Le 13 Mars 2015 paraît au JO le prix négocié avec le Comité économique des produits de santé, fixé à 55.50 € (au lieu de 11 € précédemment), [2] la boîte de 30 comprimés à 25mg, avec date d’effet au 02/05/2015.
Et maintenant, une question, un calcul et... encore une dernière question.
La question : Mais où, diable, et dans quelles conditions est fabriqué le nouveau VERCYTE ? L’arrêt de la fourniture du Pipodroman par Novasep était la cause avancée par Abbott pour retirer le VERCYTE de la circulation. Alors, qui est le nouveau fournisseur et comment se fait-il que ce qui paraissait improbable, voire impossible à Abbott ait pu si vite être démenti par les LABORATOIRES DELBERT ? Ces derniers précisent sur leur site que leurs unités de production se situent quelque part en France. Mais où donc sont-elles (sachant que fin 2013 DELBERT n’avait aucun personnel) et comment a été résolu le problème de la mise hors de danger des personnels des chaines de fabrication que ne parvenait pas à surmonter Novasep ?
Le calcul, à présent. Il est simple. Abbott ne se plaignait pas du prix antérieur de 11 €. Les coûts de fabrication plus sa marge bénéficiaire y étaient inclus. L’écart à 55 €, soit 44 € que récupèrent maintenant les LABORATOIRES DELBERT, à produit rigoureusement inchangé, est donc du bénéfice pur, qui s’ajoute de surcroît à la marge que prélevait Abbott sur ses 11 €. Soyons généreux : supposons que les LABORATOIRES DELBERT abandonnent cette marge à leur fournisseur de Pipodroman, plus encore 4 €, prélevés sur les 44 €, il leur reste encore 40 € nets par boîte. Soit, à raison de 4200 boîtes vendues par mois (voir ci-dessus la statistique des ventes fournie par Abbott), donc 50400 boîtes/an, 2 016 000 € de profit. Nous retrouvons bien les 1000% annuels de taux de rendement du capital investi…
La dernière question. On se goberge de transparence au Ministère de la santé. Alors, pourrait-on avoir communication des analyses détaillées que n’a pas dû manquer de faire le fameux Comité économique des produits de santé, avant de donner son feu vert au quintuplement du prix du VERCYTE ? [3] Sans oublier, naturellement, toujours au nom de la transparence, de nous renseigner sur les qualités et fonctions des membres du susdit Comité présents lors de cette séance.
Et l’avenir ? Ne cherchons pas plus loin : il est écrit en toutes lettres dans le formulaire de contact du site des LABORATOIRES DELBERT, curieusement rédigé comme suit :
Vous avez identifié des produits de santé à haute valeur mais en voie de disparition ? Envoyez-nous un email.
En voilà, au moins, qui n’ont pas de complexes.
Le lecteur intéressé à la procédure de fixation du prix des médicaments pourra se reporter au schéma suivant, ou, mieux encore aux références ci-après :
Quelques sites :
• Prix et taux de remboursement
Ministère en charge de la santé
• Comité économique des produits de santé
• Commission de la transparence
Haute autorité de la santé
• Évaluation médico-économique
Haute Autorité de santé
• Médicaments.gouv.fr
• Médicament : dix propositions de la Mutualité Française pour "restaurer la confiance"
- Les médicaments et leurs prix : comment les prix sont-ils déterminés ? Commissariat général à la stratégie et à la prospective
[1] http://alte-asso.org/forumalte3/viewtopic.php?t=1720
« L’arrêt de la production du traitement n’est pas une volonté du groupe Abbott. Notre fournisseur, le groupe Novasep, nous a informé de leur volonté d’arrêter de produire du Pipobroman.
Ce principe actif est nocif et nécessite des précautions pour le personnel en charge de la production. Il semblerait que pour des questions de sécurité du personnel, le groupe Novasep a pris la décision d’arrêter la fabrication. »
L’ANSM va dans le même sens :
« Le laboratoire Abbott, détenteur de l’autorisation de mise sur le marché de la spécialité Vercyte, a informé l’ANSM en août 2013 d’un arrêt définitif de la mise à disposition du produit fin 2014.
Cette décision est due à l’interruption de production de la substance active (pipobroman) par son unique fournisseur, en raison de l’impossibilité de se lancer dans une modernisation, pourtant nécessaire compte tenu de la nature du médicament (agent alkylant), de la totalité du circuit de fabrication. Un transfert vers un autre site de production semble, à ce jour, très peu probable. ».du circuit de fabrication. Un transfert vers un autre site de production semble, à ce jour, très peu probable. ».
[2] 44.92 € au 2 novembre 2017, mais cela fait tout de même un quadruplement du prix
[3] Notamment les décompositions comparées des prix de revient du produit lorsqu’il valait 11 € et pour le prix actuel de 54.50 €.
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