Cotisations sociales ou impôts ?
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A l’origine de la sécurité sociale, le financement s’est fait par cotisations sociales, c’est-à-dire par prélèvements sur le salaire. Les cotisations pour la protection sociale sont considérées comme un salaire différé. On cotise sur son salaire pour pouvoir bénéficier de soins si besoin et d’une retraite ou du chômage. Le financement de la sécurité sociale est donc lié au travail.
La sécurité sociale prenait la suite des mutuelles, systèmes d’assurances organisés par les ouvriers et/ou les employeurs. En 1945, quand la sécurité sociale est née, les syndicats ont insisté pour en être gestionnaires, ce qui arrangeait le patronat, cette gestion étant un facteur de paix sociale.
Cela fonctionnait bien tant que c’était le plein emploi. Avec le chômage et les exonérations de charges sociales (censées favoriser l’emploi, et pas si efficaces que ça…), les cotisations sur les salaires n’arrivent plus à alimenter à elles seules un système dont les dépenses augmentent.
En 1991, on a ajouté à ces cotisations la CSG (cotisation sociale généralisée). C’est un prélèvement à la source sur les revenus d’activité, les revenus de placement et de patrimoine, et de remplacement (retraites et invalidité). C’est une sorte d’impôt, donc plus large que les cotisations sur les salaires, mais qui est proportionnel, et non progressif comme l’impôt sur le revenu. Il suffirait d’augmenter la CSG d’un point pour trouver de quoi financer le « trou » de la sécurité sociale.
S’y ajoutent, pour financer la sécurité sociale, différentes taxes de type TVA (taxe sur la valeur ajoutée) sur les produits de consommation ou les services. Les biens exportés ne sont pas soumis à la TVA, ce qui les rend moins chers donc compétitifs, les biens importés sont soumis à TVA, les producteurs étrangers participent donc à la protection sociale en France.
Actuellement, la Sécurité sociale est financée à 57.7% par les cotisations salariales, à 19.6% par la CSG et à 13.8% par des taxes.
Dans d’autres pays, la protection sociale est financée par l’impôt, comme en Angleterre ou en Suède. Mais il est plus difficile de faire accepter des augmentations d’impôts que des augmentations de charges sociales, puisqu’elles sont considérées comme légitimes, en tant que salaire différé.
Pourtant, dans une optique de redistribution, un impôt semblerait logique, et plus équitable car proportionnel aux revenus. Chacun cotise selon ses moyens, et la protection est offerte à tous. Mais on pourrait aussi imaginer un taux progressif de cotisations sociales, en augmentant celle sur les hauts salaires et en baissant celle sur les petits salaires.
La question est difficile, car tout ce qui touche aux cotisations sociales joue sur les salaires et sur l’emploi. Lorsque l’on diminue les charges sur les bas salaires cela encourage les employeurs à ne pas augmenter les salaires. Quand on augmente les charges sociales, cela n’encourage pas les entreprises à innover.
Pour que les charges ne portent pas seulement sur le travail, mais aussi sur le capital (le profit) des entreprises, il faudrait augmenter l’impôt sur les sociétés mais cela freinerait le réinvestissement des profits, facteur de dynamisme des entreprises et de création d’emplois. D’autres cotisations ont été imaginées, comme la cotisation sur la valeur ajoutée (somme des salaires et du bénéfice brut des entreprises) mais cela favoriserait les entreprises ayant beaucoup de main d’œuvre (comme les travaux publics..) et découragerait aussi l’investissement.
La question est à la fois de financer la protection sociale de la façon la plus efficace et la plus juste, et de ne pas aller dans le sens d’une aggravation de la situation de l’emploi en France.
D’autres modes de financement de la sécurité sociale ont été institués ou proposés, qui sont très inégalitaires. En 2006 on a vu apparaitre les franchises, qui sont des sortes de taxes à la consommation médicale. Tout acte médical (consultation, délivrance de médicament, examens complémentaires coûteux, transports médicalisés…) est taxé d’une franchise, qui n’apparait pas dans un premier temps mais est prélevé sur les remboursements, ou réclamé si les actes ont été faits en tiers-payant. C’est l’équivalent d’une TVA sur les démarches de santé, ce qui défavorise directement les personnes malades. Une autre proposition, pas encore réalisée, était « le bouclier social », une sorte de grosse franchise, payée pour les soins jusqu’à un plafond (on a parlé de 800 euros par an), au-delà duquel tous les soins seraient pris en charge à 100% (le système de prise en charge à 100% des affections de longue durée ayant été supprimé). Cela défavoriserait évidemment aussi ceux qui ont besoin de soins, vis-à-vis des bien-portants.
Parmi toutes les « solutions » proposées pour financer la sécurité sociale, comment penser un système à la fois efficace et équitable ? En tenant compte des implications et des conséquences sur l’emploi et sur les stratégies des entreprises (dans le contexte actuel de l économie capitaliste que nous vivons).
Comment faire qu’un système qui était basé sur la contribution du travail pour une protection sociale généralisée et égalitaire puisse rester universel malgré l’augmentation du chômage ? Pour que les profits soient utilisés à une meilleure protection de l’ensemble de la population et non à une différence accrue de droits (avec des assurances pour les riches et une protection minime pour les pauvres…) ?
Marion Navarro, Gabriel Zucmann : « Quel avenir pour le financement de la protection sociale ? » http://www.cairn.info/revue-regards-croises-sur-l-economie-2007-1-page-157.htm
Bruno Palier : « Du salaire différé aux charges sociales : les avatars du financement de la protection sociale »http://www.cairn.info/revue-regards-croises-sur-l-economie-2007-1-page-174.htm
Pierre Volovtitch : « Franchises et bouclier, des mesures injustes et inefficaces » Pratiques n°39, hiver 2007, pages 77-79
Bernard Friot : « La cotisation, levier d’émancipation », février 2012, le Monde diplomatique https://www.monde-diplomatique.fr/2012/02/FRIOT/47384
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